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ROSSIGNOL À LA LANGUE POURRIE

Du 28 janvier au 18 mars 2024

les dimanches à 18h et les lundis à 19h15

Relâche le dimanche 17 mars. 

Théâtre Essaïon Paris, 6 rue Pierre au Lard, métro Rambuteau

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Agathe Quelquejay

" La mise en scène de Guy-Pierre Couleau fait la part belle, dans un décor dépouillé, à l’expressivité corporelle de l’interprète Agathe Quelquejay, étincelante dans la souffrance chorégraphiée comme dans la sérénité. Après avoir contraint et fait plier son corps dans des mouvements dansés de crispation et de tension, elle se déploie dans l’espace, entre grâce et douceur. 

Agathe Quelquejay est fille, garçon ou adolescent, mère âgée, jouant des métamorphoses du visage, de la posture, de la voix ou de l’intonation, jouant avec la musique des mots, parlant un argot capté d’emblée, significatif de la condition du Pauvre de tous les temps, aujourd’hui « migrant », « réfugié », « sans papier », « sans abri. »

Ecoutez-la et entendez-les."

Véronique Hotte - Hottello

La force du ravissement !
« Rossignol à la langue pourrie, récits d’amour et de misère en langue populaire », est un spectacle – et non pas un récital – rassemblant six poèmes de Jehan Rictus*. La mise en scène évite le double écueil de l’exotisme et du misérabilisme. Autant dire que l’on est captivé par un jeu, une musique, des lumières et une chorégraphie qui vont tous dans le même sens, celui d’un réalisme cru et néanmoins délicat dans son expression, qui sauve ainsi la dignité des personnages. Le chemin d’interprétation emprunté ici est, toutes choses égales par ailleurs, comparable à celui pris depuis longtemps par Salgado en matière de photographie.
La demande, la tension, la dignité, la souffrance, la dépendance, tout est déjà là dans le jeu muet qui introduit le spectacle. Le reste suit, sans accroc, sans jamais lâcher le spectateur. La musique, actuelle, ce qui évite de tomber dans la caricature datée, est à l’aune du reste. On est conquis." 
Pierre FRANÇOIS - Hollybuzz

Guy-Pierre Couleau a conçu, avec l’actrice Agathe Quelquejay, l’éclairagiste  Laurent Schneegans et la costumière Delphine Capossela, une manière de cérémonie fondée sur l’idée de métamorphose. A chaque poème Agathe Quelquejay est différente et cette transformation, jamais gratuite, colle au poème et se développe selon une étonnante ligne de mutation sexuelle, esthétique et sociale. Le jeu de l’unique interprète, qui commence dans l’apparence d’un jeune garçon, entre dans l’ambiguïté des genres et finit en femme enveloppée dans une robe aux volutes de vague, change à chaque étape ; il est toujours d’une folle intensité, d’un trop plein de vie sans débordements pathétiques, et capable de trouver pas à pas les différentes dignités de la douleur. C’est dire qu’ici, le théâtre, à l’un de ses niveaux les plus hauts, estomaque mais ne cherche pas à tétaniser le spectateur. Les coups qui vous atteignent à votre poitrine de spectateur viennent heurter et ouvrir vos coffres-forts intimes d’amour et de beauté, ce qui est infiniment bienfaisant.   

Gilles Costaz

"Un spectacle beau et puissant."

Isabelle Fauvel - Les soirées de Paris

   JEHAN-RICTUS   

   NOTE D'INTENTIONS  

Jehan-Rictus naît en 1867 à Boulogne-sur-Mer, d'une mère maltraitante et d'un père absent, qui ne le reconnaîtra jamais. A 16 ans, il fuit le domicile familial et entame des années de galère, à dormir sous des ponts. Il s'installe finalement dans le quartier de Montmartre, où il restera jusqu'à sa mort en 1933.

Il connaîtra le succès avec son recueil Les soliloques du pauvre, dans lequel il fait soliloquer un sans-abri contraint d’errer dans les rues de Paris. Il jouera et chantera lui-même ce recueil des années dans les cabarets de la butte. Il fallut attendre 1914 pour que paraisse son second recueil poétique majeur, Le Cœur populaire, qui réunit divers personnages. Après cela, il ne publia quasiment plus.

Un square lui est consacré en 1936 dans le quartier de Montmartre, au pied du métro Abbesses, dans lequel se dresse le fameux « mur des je t’aime ».

Sa poésie

Elle s’inspire nettement de sa vie personnelle ; elle donne la parole au Pauvre, ce bon vieux Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours, ce pas-de-chance, que tout le monde voit mais que personne ne regarde. La musicalité de son écriture claque en des phrases dont les mots seraient des coups de semelle sur le pavé, ses formules argotiques s’entrechoquent comme les dents des miséreux condamnés au grand vent. L’émotion rythmée de ses octosyllabes, la clarté et la simplicité apparente de son langage, établissent une communication entre le poète et le public, qu’il soit averti ou non, féru de poésie ou pas.

Le contexte

En 1867, la société française est gangrénée par de nombreux démons. Les inégalités sociales sont criantes, les bourgeois se gobergent, découvrent les joies du progrès et s’abîment dans l’héroïne, tandis que les classes inférieures triment et vivent dans des bidonvilles à la lisière de Paris.

Les femmes cherchent à s’émanciper mais l’époque est encore très patriarcale et elles sont envoyées à la prison de Saint-Lazare pour un oui ou pour un non. Les hommes, eux, doivent faire leur service militaire pendant trois années et savent tous comment tuer quelqu’un.

La violence est partout, les complots se multiplient, les malfrats rôdent, les prostituées arpentent les trottoirs et les policiers s’arment de sabres.

Photo officielle Lee Jeffries - BD.jpg

photo Lee Jeffries

Lorsque Agathe Quelquejay m’a demandé de lire Le Cœur populaire, poèmes de Jehan Rictus, je ne connaissais de lui que les fameux Soliloques du pauvre. J’ai immédiatement été frappé de la pertinence du projet qui consistait à faire entendre aujourd’hui ces textes écrits autour de 1900-14, dans une France qui n’a que peu de rapports avec celle dans laquelle nous vivons. Pourtant, les thèmes des poèmes, leurs univers successifs me paraissaient étrangement proches et actuels : la pauvreté, la misère, l’indifférence, l’exclusion, l’enfance maltraitée, la violence. Et c’est cette violence subie par les femmes, qui émaille le choix des poèmes. Cette dimension des textes m’a semblé d’une importance cruciale et je me suis décidé à accompagner Agathe dans son désir de redonner vie à ces pages oubliées et injustement méconnues. De texte en texte, c’est en effet tout le portrait des différents âges de la femme, de l’enfance à l’adulte, qui nous est donné à découvrir, au fil du temps et des vicissitudes de l’existence. De la petite fille battue et violentée à la femme soumise et réduite à la prostitution pour survivre, nous sommes invités par l’écriture unique de Rictus à une errance au cœur des tourments endurés par ces invisibles sœurs de souffrance. J’ai donc songé d’emblée pour la mise en scène à un écrin très simple et très épuré, afin de mieux donner à entendre ces textes indispensables et rares, sans les altérer par quelque décorum que ce soit. Ces personnages qui vivent dans le dénuement le plus complet doivent s’incarner face à nous par la grâce d’un espace vide et la puissance suggestive du jeu. Sur scène, pas d’accessoires ni de mobilier. Une femme aux mains nues, animée de sa force de conviction, de sa croyance en quelque chose d’autre et de supérieur à notre destin terrestre, sur une scène qui soit sa seule espérance. Un plateau sacré qui passe du noir au moiré, du bitume au terrain vague, de la terre noire et humide d’un champ de bataille au lit d’un ruisseau asséché. Au fond, au début de chaque poème, en lettres blanches s’ inscrit le titre, comme une démesure d’un destin à venir, une prémonition écrasante. Mais aussi comme un espoir que soit entendue cette complainte, cette supplique. Une allusion muette et géante à la parole de ceux qu’on n’entend jamais, qu’on ne voit plus : tous les pauvres. Leur invisibilité rendue violente par la présence surdimensionnée du lettrage dans sa nécessité, la présence de l’écriture de Rictus, son urgence. La musique qui accompagnera les textes sera composée par Hervé Devolder. Pas de démonstration brillante et savante dans cette musique mais bien au contraire une lumière infinie, une puissance qui dit toute conscience face à la tragédie. Une musique comme une connaissance. Enfin, l’éclairage aura un rôle particulièrement important dans cette espace essentiel. Il entourera l’actrice d’une enveloppe protectrice et chaude, parfois glaciale ou dure. Dans des enchaînements travaillés, nous passerons délicatement d’une violence subie à une espérance inaudible, d’une crainte à une folie, d’une beauté du noir à la vibration dorée d’un rayon de soleil qui traverse les murs. Et c’est, dans cet écrin pur et choisi, le jeu de l’actrice Agathe Quelquejay, singulièrement lumineux, qui restitue pour nous la substance pure des octosyllabes de Rictus. Vibrante et irradiante au milieu de la scène, Agathe se métamorphose au fil des mots du poète pour, finalement, offrir à notre écoute le visage d’une seule et même femme, universelle, victime de toutes les injustices, généreuse au-delà de toute souffrance, éternelle malgré l’indifférence.

 

Guy-Pierre Couleau

  FICHE TECHNIQUE À TÉLÉCHARGER   

Mise en scène Guy-Pierre Couleau Texte Jehan-Rictus Avec Agathe Quelquejay Création costume final Delphine Capossella Lumières Laurent Schneegans Administration, production et diffusion Rose Boursier-Mougenot

Production Des Lumières et Des Ombres - Ce spectacle bénéficie du soutien de l’ADAMI dans le cadre du dispositif « déclencheur théâtre », du Ministère de la Culture (DRAC Bretagne), du Théâtre de l’Abbaye de Saint-Maur et du Théâtre Essaïon.

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