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Texte, vidéo et mise en scène : Guy Pierre Couleau / Avec Anne Le Guernec et Kuno Schlegelmilch (photo André Muller)

    IN SITU     

Dans l’atelier du peintre

À l’invitation du Musée Unterlinden de Colmar, et autour de l’exposition Otto Dix et le Retable d’Issenheim, j’ai imaginé en 2016 une performance pour une actrice et un maquilleur.

Partant des Leçons de Peinture écrites par Otto Dix en 1958, je me suis échappé vers l’art des acteurs, et leur capacité à se métamorphoser par l’alchimie du maquillage. L’actrice, au théâtre comme à l’écran, se glisse dans une autre vie, une autre personnalité, un autre corps que le sien. Devant son miroir, elle donne corps et vraisemblance au caractère d’une fiction. De la personne au personnage, tout un chemin de transformation qui m’a semblé proche de celui que Dix emprunte lorsqu’il prépare sa toile, travaillant ses pigments à la manière des maîtres anciens, pour ensuite peindre telle ou telle personne rencontrée dans la vie réelle.

 

Pour l’espace de ce court spectacle, deux artistes complices, à qui j’ai proposé d’inventer une fiction : Anne Le Guernec et Kuno Schlegelmilch, qui ont travaillé ensemble avec moi sur Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. À partir du Portrait de la danseuse Tamara Danichewsky, j’ai composé une fantaisie sur l’actrice et son rôle, sur les mains de l’artiste qui font apparaître une image sur la toile. Il s’agissait de faire sortir le modèle du tableau, de la faire parler à voix haute et de s’immiscer dans l’atelier du peintre. J’ai tenté, dans ce monologue, de percer le secret du moment intime de la pose et j’ai écrit ce court texte, récit d’une vie de danseuse. En me demandant quelle pouvait être la relation entre Otto Dix et Tamara Danichewsky, je me suis fondé sur les quelques éléments biographiques et historiques dont j’ai pu disposer après de nombreuses recherches : la ville de Dresde en 1933, la carrière et la biographie de Otto Dix, la danse à cette époque et dans l’Allemagne qui voit naître le national-socialisme ... Ce sont toutes ces pièces véritables d’un grand puzzle que j’ai mis ensemble pour en faire une fiction vraisemblable. Et ainsi tracer à grandes lignes le portrait écrit d’une femme énigmatique qui, un jour de 1933, avait servi de muse et modèle à Otto Dix. Plusieurs indices m’ont conduit à imaginer et déduire le sens profond et caché de ce tableau qui, peint au moment de l’accession de Hitler au pouvoir en Allemagne, ne pouvait en rien être banal. Plus qu’une simple œuvre de figuration, ce portrait émouvant est aussi un geste artistique lié à des circonstances et des convictions.                

Otto Dix, profondément pacifiste et démocrate, marqué à vie par les horreurs vécues sur les champs de bataille de la première guerre mondiale, ne pouvait pas rester insensible à la montée du nazisme. De plus, destitué et renvoyé par les nazis de son poste de professeur à l’Académie des beaux-Arts de Dresde en cette même année 1933, il me semblait évident que la symbolique complexe figurant dans ce tableau, traduisait un discours intérieur, une aspiration à autre chose de la part de son auteur. C’est cette parole dissimulée, ce message crypté qu’il m’a semblé nécessaire de partager dans le cadre de cette performance. Sur scène, devant un écran où les images d’une vie et d’une œuvre défilent en préambule, s ‘exprime la danseuse, sortie du tableau par la magie du théâtre. A mi-course du récit, le maquilleur entre en scène et transforme devant nous l’actrice, comme en une séance de pose évoquant le silence de l’atelier : au bout de quelques instants de cette métamorphose, c’est désormais une femme âgée qui nous raconte la fin de sa vie. Soixante années où la petite histoire d’une personne rejoint la grande Histoire des Hommes.                                          Guy Pierre Couleau

   

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    FICHE TECHNIQUE À TÉLÉCHARGER   

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